
Séminaire 2024-2025 : Littérature
Quatre auteurs sont retenus pour cette année. Les interventions auront lieu de 14h à 16h :
- samedi 16 novembre 2024, en salle de réunion : Chrétien de Troyes
Chrétien de Troyes (vers 1135-vers 1185) est un écrivain majeur de la littérature française, voire le premier romancier français. Ce clerc tonsuré, trouvère associé à la cour de Marie de Champagne, fille d’Aliénor d’Aquitaine, puis à la cour de Flandres du duc Philippe d’Alsace, est l’auteur de longs poèmes en octosyllabes écrits en langue romane, lus dans des assemblées. Ses « romans », Erec et Enide, Cligès, Lancelot ou le Chevalier à la charrette, Yvain ou le Chevalier au lion, nourris de la « matière de Bretagne », illustrent pleinement la littérature courtoise, qui conjugue exploits chevaleresques et service d’une Dame. Avec Perceval ou le conte du graal, Chrétien enrichit la « matière de Bretagne » d’une dimension spirituelle : l’aventure mystique ouvre la voie de la Quête du Graal.
Marie de Champagne lui donna le sujet de Lancelot dans la charrette d’infamie, Philippe d’Alsace lui prêta un ouvrage dont devait naître Perceval. Chrétien se réfère à des sources écrites et orales. Pour lui, ce qui importe c’est son art d’écrire, son sens de la « conjointure ».
« C’est au douzième siècle que dans la poésie apparaît pour la première fois le sens français, le patriotisme des mots, qui parle de notre pays avec toutes les câlineries de l’amour. C’est dans ce siècle aussi que les inventions méridionales prirent leur grandeur en se transformant dans le Nord, en Champagne ou en Flandre, si bien que, née en Provence, la poésie française au contact des imaginations celtiques, donna en Chrétien de Troyes la plus haute figure de l’art de « trouver », le poète parfait qui réunit la grandeur du romancier à la force du chanteur. […] La première leçon de Chrétien de Troyes, c’est bien cette fusion du nord et du midi (l’amour provençal et la légende celtique) qui est à proprement parler l’esprit français à sa naissance » (Aragon, « La leçon de Ribérac ou l’Europe française », Fontaine, juin 1941).
- samedi 1er février 2025, en salle de réunion : Jean de La Fontaine (à 14h)
Jean de La Fontaine rappelle, dans la préface aux Amours de Psyché et Cupidon (1669), que, « quelque peu d’assurance qu’ait un auteur qu’il entretiendra un jour la postérité, il doit toujours se la proposer autant qu’il lui est possible. » Du vivant de La Fontaine, il n’y eut pas de réédition de ce conte mythologique. En revanche les Contes et Nouvelles en vers furent enrichis et réédités. Plus encore les Fables, entre 1668 et 1693. La marquise de Sévigné s’enthousiasme des Fables – lors d’une nouvelle édition complétée des Fables, elle écrit à son cousin Bussy-Rabutin, le 20 juillet 1679 : « Faites-vous envoyer promptement les fables de La Fontaine : elles sont divines. »
La postérité a retenu les Fables. Au XVIIIe siècle, Voltaire célèbre le fabuliste : « C’est un homme unique dans les excellents morceaux qu’il nous a laissés […] ils sont dans la bouche de tous ceux qui ont été élevés honnêtement : ils contribuent même à leur éducation. » (Dictionnaire philosophique, article « Fable », 1764). La République a adopté les fables de La Fontaine, en particulier pour les écoles – les récitations donnaient vie aux animaux du fabuliste dans les classes !
On oublie l’inscription de La Fontaine dans les milieux aristocratiques, on oublie l’homme de Vaux et de Château-Thierry, l’homme de Paris et de Versailles. Il est alors le Bonhomme La Fontaine, qui a superbement prolongé la tradition ésopique contre les tyrans, le poète entouré d’animaux qu’il a dotés de la parole. Le voici dans un square parisien du 16ème arrondissement, le square du Ranelagh : une statue du XIXème siècle réunit le fabuliste, le corbeau et le renard, en référence à une fable animalière fort célèbre (voir illustration via Internet).
- samedi 1er février 2025, dans l'auditorium : Rencontre avec Annick Cojean (à 15h)
Annick Cojean fut prix Albert-Londres en 1996 pour la série Les Mémoires de la Shoah. En 2024 elle a reçu le prix de l’Académie des sciences, arts et belles-lettres de Caen pour Nous y étions, éditions Grasset. Le samedi 1er février, à 15h, elle sera accueillie dans l’auditorium du Musée des beaux-arts pour une rencontre autour de ce livre.
Lorsqu’elle était enfant, sa mère lui racontait l’histoire du D-Day et les bombardements sur Caen l’après-midi du 6 juin 1944 ; petite fille, Annick Cojean, alors à Taulé en Bretagne, déposait des fleurs sur les tombes de soldats alliés abattus par les Allemands. Devenue grand reporter, elle songe à réunir des témoignages de belligérants sur le D-Day, ce sera une série d’articles publiés dans Le Monde. Ces articles, elle les reprendra en 2024 dans Nous y étions. Pour une large part, les personnes interrogées par Annick Cojean parlent de ce qu’elles ont vécu le 6 juin 1944 – le déroulement de la journée à partir de 0h10 jusqu’à 20h embrasse l’évolution des opérations militaires. Elles parlent aussi de leur rapport à la guerre, voire de l’après-guerre. Le major allemand von Luck défend l’honneur de la Wehrmacht : « un militaire, fidèle à la tradition de Frédéric le Grand, prête serment une fois pour toutes. » Franz Gockel et Eva Bojack, tous deux jeunes en 1944, prennent leur distance face au régime hitlérien. Les Alliés interrogés affirment combien le débarquement en Normandie s’inscrit dans une guerre juste contre la barbarie nazie. Le Polonais Romuald Nalecz-Tyminski est amer : les Alliés ont abandonné la Pologne après 1945, soumise au joug stalinien.
Annick Cojean a su faire raconter par les Alliés ce 6 juin 1944, le jour le plus long de leur vie, et nous faire entendre combien, comme l’affirme l’aumônier René de Naurois du Commando Kieffer, il s’agissait alors du combat du Bien contre le Mal. Charles Lynch, journaliste canadien, qui a couvert la guerre en Normandie et après, s’interroge : la façon de rapporter les événements en 1944, n’était-ce pas de la propagande ? Propagande aussi sans doute, mais pour servir une cause juste que nous vénérons.
- samedi 5 juillet 2025, dans l'auditorium : François Mauriac