
Séminaire 2025-2026 : Histoire des femmes
- samedi 30 mai 2026, 14h, auditorium
Monique Wittig revisitée
Monique Wittig est indissociable de la naissance du Mouvement de Libération des Femmes. Par son œuvre littéraire, d’abord, en particulier Les Guerillères qui annoncent la création, l’année suivante, du MLF. Mais aussi par sa présence active de militante au sein des différents groupes de femmes fondés à Paris après mai 1968. Aujourd’hui cette histoire est réécrite par la jeune génération à partir de l’idée que Monique Wittig aurait été chassée de Paris par les féministes, sous-entendu les hétérosexuelles. Or ce n’est pas du tout ce que nous avons vécu. J’ai eu la chance de la rencontrer en février 1971, au tout début du mouvement.
Nous allons retracer l’histoire croisée des livres et du militantisme de Monique Wittig avant son départ pour les Etats-Unis en 1976 puis dans sa deuxième vie, lorsqu’elle est devenue théoricienne du lesbianisme à travers sa fameuse affirmation-négation, « La lesbienne n’est pas une femme ».
Monique Wittig, c’est aussi le Nouveau Roman et la rencontre décisive de Nathalie Sarraute dans les années 1960. J’ai eu accès à ses lettres conservées à la BNF dans lesquelles émerge une autre Monique Wittig, « troublée » par Nathalie Sarraute et en tant que lesbienne, bien plus troublée par le féminisme que l’inverse.
- samedi 27 juin, 14h, auditorium
Les cercles littéraires de Natalie Barney et Lucie Delarue-Mardrus, racines de notre époque
Lucie Delarue-Mardrus a rencontré Natalie Barney en 1902 alors qu’elle venait de se marier avec l’égyptologue Mardrus. Les deux femmes vont vivre une grande passion qui inspire à Lucie un recueil de poèmes intitulé Nos secrètes amours.
Titre évocateur de la situation des lesbiennes en ce début du siècle, vues comme des femmes « damnées » et des « inverties ». Or c’est à cette époque qu’une génération de femmes libres va impulser une nouvelle culture féminine sous la houlette de Natalie Barney. Renée Vivien, bien sûr, mais aussi Liane de Pougy, qui vient de publier Idylle Saphique, et bientôt Elisabeth de Grammont, la « princesse rouge », puis Colette, vont donner naissance à une culture féminine tout à fait exemplaire et cela en compagnie d’hommes de lettres progressistes, comme Remy de Gourmont, qui fera de Natalie l’immortelle Amazone.
« Toi le bonheur, l’horreur, l’énigme de mon âme », écrivait Lucie Delarue-Mardrus dans un poème à Natalie.
Nous aurons une attention particulière pour ces poèmes « secrets » de Lucie qui expriment une vision de la jouissance féminine, très proche de ce qu’en dira Lacan dans son séminaire Encore. La passion lui a fait toucher un certain inaccessible de la jouissance féminine. Une jouissance « pas toute » comme dira Lacan, c’est-à-dire « pas toute phallique ».
Sachons enfin que trente ans plus tard, Lucie publie L’Ange et les Pervers, un roman dont l’héroïne est intersexe. Homme, le matin et femme le soir, exprimant un clivage entre le corps et l’âme qui pourrait être autant la maladie des années trente, que celle des années 2020
Sujet plus que contemporain qui nous permettra de voir comme notre époque ignore cette culture féminine émancipatrice qui est pourtant sa racine la plus fertile.